« Il suffit de s’abaisser, attendre et s’étonner. Viennent alors les grandes élévations. » C’est ainsi qu’on peut décrire, avec l’écrivain et botaniste Gilles Clément, la démarche photographique de Stéphane Spach, attentive aux immobilités souveraines qui trament la vie végétale des jardins, des bords de chemin, des prairies. Les Oubliées est une plongée en noir et blanc dans cette immensité insoupçonnée.
Les oubliées, « chaque fois renaissantes », ce sont les herbes, les herbes sauvages des prairies comme les mauvaises herbes des terrains vagues. D’un côté, l’écrivain Gilles Clément cherche à décentrer le regard, à le faire descendre des « hautes cimes » pour le porter vers les herbes emmêlées, pour qu’« un autre monde vienne à nous ». D’un autre côté, le photographe Stéphane Spach, héritier d’une tradition d’herborisation et de collecte de curiosités initiée notamment par J. W. Goethe, propose des vues troublantes de ces herbes qu’il recueille, brouillant leur échelle et nos repères ordinaires. Tous deux ensemble renversent l’opposition entre l’infime et l’infini, pour nous laisser pressentir la forêt en dormance sous nos pas, sans cesse menacée, sans cesse renaissante.