Une série inédite de photographies vintage, réalisées en 1989 à Arles et Paris lors du premier voyage de l’artiste ukrainien hors du bloc soviétique suite à la chute du mur, retouchées au pinceau par Boris Mikhaïlov 26 ans plus tard (essai de Chantal Pontbriand).
La série « Arles, Paris … and. », réalisée en 1989, est composée de 67 photographies. Chacune est une œuvre d’art à part entière, retouchée par l’artiste 26 ans après la prise de vue, portant ainsi un regard neuf sur son propre travail.
Publié à l’occasion de l’exposition éponyme à la galerie Suzanne Tarasieve, Paris, de janvier à février 2015.
Né en Ukraine à Kharkov, Boris Mikhaïlov a subi depuis le début de sa carrière les brimades inhérentes à tout régime totalitaire face à une expression libre : ses photographies sont considérées trop politiques ou moralement subversives et sont détruites, ses pellicules brulées, ses appareils photo brisés.
Juste après l’effondrement du bloc soviétique en 1989, c’est la liberté, et Mikhaïlov réalise son premier voyage à l’Ouest, en France. La série « Arles, Paris … and. » est ainsi le témoin de sa découverte d’un monde dont la réalité lui était totalement inconnue, et montre son émerveillement, son incrédulité, la moquerie de son regard face à cet univers nouveau.
Pour ce voyage à Arles et Paris, l’artiste se munit d’un appareil photo standard, et d’un appareil Horizont qui permet de larges cadrages panoramiques. Il réalisera plus tard avec cet appareil les célèbres séries « By the ground » (1991) et « At dusk » (1993). En comparant les deux types d’images obtenues, Mikhaïlov préfère les photographies horizontales, qui correspondent mieux au balayage du regard, à la large, à l’immense découverte qu’il est en train de faire.
Paris l’impressionne par ses lumières, son atmosphère bruyante et joyeuse après l’univers gris et morne qu’il a connu à l’Est. En accord avec cette impression il colore chaque photographie, rehausse les contours de traits parfois d’or et d’argent, redessine certains détails.
Ce regard neuf sur notre monde occidental et capitaliste, Boris Mikhaïlov n’est pas le seul à le porter en 1989. Encore une fois l’artiste souligne combien le destin des individus s’ancre dans un contexte politique qui va le façonner. Mais il rappelle, et sa vie en est un exemple, que l’émerveillement et l’enthousiasme dépendent ensuite de chacun.
Considéré comme l’un des artistes les plus importants de l’ex-URSS, Boris Mikhailov (né en 1938 à Kharkov, Ukraine, vit et travaille à Berlin et à Kharkov) interroge la réalité en multipliant les points de vue. Son œuvre photographique, qui accorde au corps une place centrale, possède un caractère documentaire non dénué d’humour et de critique.