Exemplaire Signé.
1ère édition numérotée sur 500 exemplaires, imprimée sur papier baryté.
56 millions. C’est le total des images partagées sur Instagram – l’application Number One avec l’étiquette #selfie (données de 2013) – et sur d’autres sites Web sociaux. Kim Kardashian en prend environ 1200 chaque jour. Hester Scheurwater beaucoup moins, mais elle ne les retouche pas (Est-ce qu’un selfie retouché est toujours un selfie? Dans le sens littéral du terme, oui, mais il perd spontanéité.)
Hester a commencé à communiquer avec son iPhone en 2009 (le terme selfie n’avait pas encore été inventé!); elle l’utilise pour bavarder, parfois, mais surtout pour prendre des photos d’elle-même; et elle utilise également un petit appareil photo numérique depuis 2010. Telle est sa façon d’exprimer son art.
Son travail découle de son processus artistique initié il y a dix ans aux Pays-Bas et poursuivi à New York, combinant performances, vidéos et installations multimédias. Elle a vite compris que son public serait plus important à travers les réseaux sociaux que dans l’espace blanc de la galerie, que ce soit à Soho, Chelsea ou Brooklyn (selon la période). Comment pourrait-elle montrer son corps féminin sans montrer des seins ou des parties de sexe? Un exercice de style : rien de choquant pour le grand public, ni pour aucune religion d’ailleurs, ne devrait être visible… une vision aseptique du corps de la femme.
Et pourtant, pas de provocation ici, pas de « David contre les Goliaths de la Silicone Valley », même si son compte Facebook a été fermé cinq fois alors que Youtube a interdit l’une de ses vidéos…
Hester est un exhibitionniste. Elle utilise son téléphone/caméra pour se photographier devant de multiples miroirs, affiche ses images, et le spectateur devient voyeur. Cercle complet : « En utilisant mon corps comme un objet sexuel, avec des poses appropriées et un regard auto-érotique, j’étudie le voyeurisme et l’exhibitionnisme. »
Une forme de narcissisme pleinement assumée et partagée, puisque le but est aussi de communiquer vers l’extérieur par l’auto-étiquetage.
Le simple fait de se regarder soi-même est une incitation à modifier son apparence, soit par le traitement de l’image (avec le grand angle du téléphone, ou les imperfections dans la définition de l’image), ou par un travail réel sur le corps, poser autour comme un danseur / interprète adopte des positions en référence au classicisme, parfois frisant la pornographie.
On pourrait se référer à André Kertész’s Distortions (1933) et ses expérimentations de marquage, tordant le corps du modèle pétri comme pâte à modeler, agressé par la distorsion; ou à l’œuvre collaborative du peintre Jenny Saville et du photographe Glen Luchford (dans Contact fermé, publié en 2002). Elle s’est aussi photographiée avec des miroirs (déformants dans son cas). Tous les deux dégradent leur image, jouet avec leurs courbes, morph leur corps afin de générer une créature aussi distincte que possible de la quête et des canons de la beauté, évitant le soi-même classiqueUne autre référence pourrait également être l’artiste de performance féministe Carole Schneemann, née dans les années 1970 avec une pièce qui comprenait des photos, des performances, des vidéos et des dessins… Elle aussi a maltraité son corps pour dénoncer la façon dont les femmes étaient regardées.
Avec le livre que vous tenez maintenant dans vos mains, le médium a changé : nous sommes sur le papier, sur l’impression, comme ils disent maintenant dans la communication. Le bon vieux livre est une fois de plus un espace de liberté – même s’il sera probablement enveloppé dans une ampoule pour éviter d’offenser des publics spécifiques dans certains pays.
En publiant ses images dans un livre, elle peut pousser ses autoportraits plus loin. La censure est plus tolérante que sur les réseaux sociaux. Ce livre est une performance en images, à la maison, dans son bureau ou dans son jardin; une forme de danse sauvage, sexuelle ce