Wassef Aalam
Aalam est un artiste né au Caire en 1970.
Diplômé de l’École des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, il entame une carrière de dix ans dans l’édition, notamment aux Éditions Gallimard à Paris. L’expérience d’Aalam aux Éditions Gallimard lui inspire le développement de sa pratique multisupport, lui faisant réaliser que son travail artistique pouvait atteindre le public par d’autres biais que ceux des expositions, galeries et publications liées à l’art. Cette vision s’est vue pleinement réalisée en 2006 avec le début de son travail multisupport sous le pseudonyme d’Ahmad Sherif.
De 2005 à 2008, il est membre du collectif La Générale, qui organise des expositions dans une ancienne manufacture à Sèvres. Aalam y contribue en réalisant des installations, performances et installations in situ, abordant la question de l’intimité et de la vie privée à l’âge de la collecte de données par les gouvernements et les géants technologiques.
Depuis, l’œuvre d’Aalam s’est principalement consacrée à l’exploration de formes de résistance à l’oppression, que celle-ci soit politique, technologique ou commerciale.
En 2005, Aalam présente sa première exposition solo de photographie, Black Wedding, à la Galerie Marie Watteau à Paris. En 2006, la Fondation des Galeries Lafayette lui achète son installation de boîtes lumineuses interactives, Don’t Be Evil, traitant de la montée en puissance de Google comme empire de données privées.
Aalam retourne au Caire en 2006, une année qui devient un tournant dans sa carrière d’artiste, avec la création d’un avatar, Ahmad Sherif. Ce nom lui sert de pseudonyme, et lui permet de réaliser une œuvre qui s’attaque à la dictature égyptienne. Ahmad Sherif devient l’auteur prolifique de chansons, de vidéos, d’articles, ainsi que d’installations photographiées et d’événements collaboratifs en ligne qui détournent les publicités Google et les résultats des moteurs de recherche. Cette œuvre protéiforme attire un large public en Égypte, et gagne l’attention internationale quand elle est relayée par la presse et les médias de masse, notamment The Economist, La Vanguardia, Télérama ou la BBC. Le processus créatif et les méthodes d’exposition de la série d’Ahmad Sherif dure trois ans. La série est bien reçue de la critique, et obtient un Prix Ars Electronica, à Linz, en 2008.
En 2008-2010, Aalam ouvre un espace dans le quartier populaire de Sayyeda Zeinab au Caire. Travaillant sous son vrai nom, Aalam Wassef y vit et forme des liens directs avec le public. Sa série d’œuvres in situ, 000-001, inclut des installations dans des ateliers d’artisans et des installations vidéo dans des espaces abandonnés. Plus tard, douze artistes, égyptiens et étrangers, sont accueillis par les habitants du quartier pour créer des œuvres éphémères ou permanentes. L’œuvre d’Aalam n’a pas de but commercial. Elle est conçue comme un exercice pour traiter de sujets politiques à travers des gestes poétiques qui n’attirent pas l’attention des autorités. Dans son exposition de 2009, We Will Be Heroes, un mur portant trois mille noms écrits à la main peut aujourd’hui être considéré comme un geste prémonitoire, évoquant l’optimisme du soulèvement de 2011 qui connut bien des espoirs et où des milliers de vies furent perdues. Ce travail lui fait rencontrer le photographe allemand Philip Gaiszer.
Ensemble, Aalam et Gaiszer collaborent à l’exposition Convention, à la Galerie Conradi à Hambourg en 2010.
De 2011 à 2014, pendant le Printemps arabe, l’œuvre pré-révolutionnaire d’Aalam ainsi que ses nouvelles productions sont exposées dans des musées à travers le monde.
À cette période, Aalam est un membre actif du Mosireen Media Collective, une plateforme indépendante documentant la révolution et la contre-révolution en Égypte. Les contributions combinées de ses membres conduisent à la création d’une archive audiovisuelle en ligne appelée 858, An Archive of Resistance, comprenant 858 heures de film.
En 2014, Aalam est arrêté par la police égyptienne, puis relâché après 24 heures d’interrogatoire ; après quoi, craignant de possibles représailles, il détruit ses archives et retire ses œuvres publiques d’Internet.
De 2017 à 2020 Aalam travaille sur les thèmes de la censure et de l’oppression, cherchant des stratégies pour rouvrir un espace pour son œuvre. En 2018, il créé Un Petit Théâtre, une chaîne Instagram privée avec cent-cinquante invités choisis. La chaîne présente quarante vidéos de moins d’une minute chacune. Ces films seront également présentés dans une soirée privée à Paris à l’Espace Commines, en juin 2020, pendant le confinement à l’initiative d’Aline Pujo et de Damien MacDonald.
En 2017-2020, dans les pas de feu Erich Salomon, Aalam créé des caméras et des méthodes qui lui permettent de prendre des photographies en public, et de contourner les interdictions du régime militaire qui empêchent les civils de prendre des photographies dans la rue. Rendu invisible en tant que photographe, il créé une série de photographies de rue intitulée Stay Home. Cette série fait écho à l’injonction contemporaine de « rester chez soi » durant la pandémie du COVID-19. Elle explore la vulnérabilité des personnes frappées par une oppression politique, une crise économique et une crise sanitaire sans précédents. Dans un contexte de désinformation et de dissimulation des conditions réelles de leur existence, ces photographies soulèvent le dilemme éthique de la représentation, ou de la non-représentation, de la condition indigne des plus vulnérables d’entre nous.
De mars 2021 à juin 2022, Aalam dit traverser quatre crises : la pandémie de la Covid ; une crise personnelle autour de ses archives d’artiste aujourd’hui perdues ; un cancer dont il découvre qu’il est atteint ; la crise ukrainienne qui secoue le monde.
Durant la pandémie, Aalam choisit de faire rire en créant The Balcony Man, un personnage mutique et confiné qui, petit à petit, va recouvrer sa capacité à agir sur le monde. Par ailleurs, il revisite ses archives, reproduit des œuvres de mémoire, retrouvant les sujets et les techniques qu’il explorait. Il en découle une production de tableaux, de dessins et de monotypes, qui sera montrée à Paris, dans une exposition intitulée Journal très précis vendu à la découpe.
C’est en novembre 2022, dans le cadre de PhotoDays avec la complicité d’Aline Pujo, qu’Aalam pourra présenter conjointement à la série Stay Home, un dispositif photographique et sonore intitulé Privaatt. Aalam revisite ainsi à l’encontre de ses sujets une pratique propre aux régimes tyranniques.
Cet ensemble sera sélectionné par la Fondation Antoine de Galbert, pour sa donation d’un corpus de photographies, « Une histoire d’images », au Musée de Grenoble et fait également l’objet d’un livre d’artiste posthume.
Aalam est mort à Paris le 10 février 2023. -extrait de la biographie du site de l’artiste https://aalam.fr/biographie
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Aalam : Privaatt
Le titre de la série « Privaatt » signifie « Privé » dans la langue d’un État totalitaire imaginaire et cet ouvrage rassemble cette collection d’illusions.
Des photographies de dictateurs détournées et retravaillées par l’artiste pour mettre en scène ces hommes de pouvoir dans des postures éloignées de leurs canons de propagande : Idi Amin Dada dans une piscine, Adolf Hitler prostré, Kim Jong-un fixant une assiette. Les images sont associées à d’autres clichés et complétées par une légende et un copyright réécrits par Aalam.