Quarante-trois photographes, jeunes pour la plupart, se sont autosaisis d’une mission inscrite dans une forte tradition (de la Mission héliographique en 1851 à celle de la DATAR au début des années 1980, en passant par la grande opération menée aux États-Unis par la Farm Security Administration entre 1935 et 1942), celle de dire un pays sans le figer. Les frontières deviennent incertaines, les catégories s’abolissent, la photographie rejoint la littérature dans sa capacité à décloisonner le temps et l’espace. Métaphoriser le territoire par la liquidité, c’est affirmer la possibilité de secouer les perceptions qui ont cours.
Nulle commande ici, aucune administration à l’initiative de quoi que ce soit. Pour les photographes, indépendants et cooptés, il y avait simplement le désir d’appréhender les réalités contemporaines de leur pays, de percevoir ses élans, ses lignes de fracture, ses mélanges, ses espaces naturels ou urbains, ses recoins, ses sommets, ses relais, ses évolutions, ses subtilités, ses complexités, ses habitudes, ses modes d’habitation, ses virtualités.
À chaque photographe il a été proposé d’écrire un texte et/ou d’ouvrir les coulisses de sa démarche artistique, de nous dévoiler les sentiers de sa création. Ils ont, avec leurs mots ou leurs documents, constitué une esthétique saisissante et passionnante du regard dans un double mouvement d’appartenance et de décentrement. -Bernard Comment