En abordant le Maghreb par le biais de sa photographie, nous entendons inaugurer un discours qui tarde depuis bientôt deux siècles (!), révéler une partie de cette mémoire du négatif-de la photo-sensibilité-, tant vernaculaire qu’artistique, propre au Maghreb, poser des balises pour de futures recherches.
Nous entendons aussi, dans une perspective plus large, répondre à ce vœu réitéré par des chercheurs et penseurs maghrébins, depuis quelques décennies, d’un Maghreb pluriel projeté comme horizon de pensée et de création, mais cette fois photographiques. La photographie semble en effet cristalliser aujourd’hui la césure et l’ambivalence qui marquent le rapport des sociétés maghrébines avec l’image de la modernité. Comme si la projection du Maghreb comme tel, qui ne peut en effet passer que par la reconsidération généalogique de son histoire incluant ses différences ethniques, linguistiques, confessionnelles, devait inclure la photographie, “Cette lumière venue de l’Europe”, cette autre “intruse”, et du même coup, interroger aussi le photographique, c’est -à-dire le principe d’une rupture qui n’a pas cessé de transformer l’art. -Abdelghani FENNANE
Publié sous la direction d’Abdelghani Fennane, La photographie au Maghreb, est un ouvrage appelé à faire date comme l’un des jalons importants d’une réflexion aujourd’hui menée sur la photographie « tant vernaculaire qu’artistique, propre au Maghreb ». Amateurs éclairés, chercheurs, étudiants pourront s’en emparer, le commenter, le prolonger, le compléter. Cet ouvrage décrit le territoire de la photographie maghrébine comme un espace pluriel, hybride, ouvert, certes tiraillé entre tradition et modernité. En quatre parties – « La photographie ancienne », « La photographie contemporaine », « Photographie et autres expressions artistiques », « Photographie et société » -, La photographie au Maghreb offre un panorama très large des idiosyncrasies et des tensions propres à ce médium développé en pays musulmans : voiler/dévoiler, image indicielle/tradition non figurale, art/critique d’art, censures politico-religieuses/émancipations, le regardant/le regardé, groupes sociaux/émergence du sujet, refoulement/mémoire, colonisation/post-colonisation, autochtonie/diaspora… Ayant confié son ouvrage à de très belles plumes (Hamideddine Bouali, Bahéra Oujlakh, Anissa Yelles, Rachida Triki, Fatima Mazmouz, Nadira Laggouna-Aklouche, Jean-François Clément, Géraldine Millo, Bernard Millet, Mohamed Rachidi, Mireille Calle-Gruber, Denise Brahimi, Thibault Danteur, Laure Maugeais, Moulay M’Hamed Saâd, Fatma Zrann, Christian Caujolle), Abdelghani Fennane, avec qui je m’entretiens ici, publie aussi, outre une passionnante préface, des articles sur la rencontre entre le photographe Gabriel Veyre et le sultan My Abdel’Aziz, et « Mohamed V, Icône d’un roi. » Fabien Ribery dans le blog L’intervalle.