Depuis dix ans, Lâm Duc Hiên parcourt cette région avec sa boîte d’images, cherchant à retrouver les personnes qu’il avait immortalisées en 1991 et en 1994. Les visages qu’il retrouve, marqués par le temps, racontent l’histoire d’un territoire montagneux où cohabitent musulmans, chrétiens, yézidis, kakaïs, mandéens, zoroastriens et juifs. Trente ans plus tard, des histoires et des rencontres improbables resurgissent.
Deux hommes qu’il avait photographiés deviendront plus tard présidents.
Le photographe s’approche toujours plus des visages : “ Mes portraits, je les fais aussi près que possible des gens, jusqu’à me voir dans leurs pupilles. Je me vois dans leurs yeux.“
Né en 1966 sur les rives du Mékong à Paksé au Laos, Hiên Lâm Duc suit sa famille en exil après la victoire du Pathet-Lao. De la traversée nocturne du Mékong vers la Thaïlande, aux deux années de camp de réfugiés, en passant par deux évasions, le périple qu’il entame pour rejoindre la France le marque à jamais. En 1977, date de son arrivée en France, il se tourne vers une carrière artistique et obtient son diplôme des Beaux-Arts en Expression Plastique. C’est son ouverture au monde qui teinte son travail photographique d’une sensibilité humaniste. Son engagement se traduit tant dans ses projets personnels que dans les commandes pour la presse et pour les ONG. Roumanie, Russie, Bosnie, Tchétchénie, Rwanda, Soudan et surtout Irak sont les territoires qu’il couvre. Son témoignage prend sens face aux destructions massives des conflits majeurs de la fin du Xxème et du début du XXIème. Engagé en faveur de la protection des ressources naturelles, il documente également l’impact des mutations contemporaines sur les modes de vie le long des fleuves Mékong et Niger. Depuis la guerre du Golfe, en mars 1991, il est devenu témoin direct de la souffrance de la population irakienne. Un peuple meurtri entre les conséquences dévastatrices de l’embargo international et la terreur imposée par le régime de Saddam Hussein. Au cœur de son objectif : les hôpitaux, les écoles et les marchés dévastés expriment la pénurie et la lassitude des irakiens. Son travail est remarqué par la presse, les éditeurs et les commissaires d’exposition. Il est notamment lauréat du Prix Leica, du Grand Prix Européen de la Ville de Vevey, de la Bourse Villa Médicis hors les murs et de la Bourse de la fondation Jean-Luc Lagardère. Son corpus de portraits « Gens d’Irak » a remporté le 1er prix du prestigieux Word Press Photo La photographie de Hiên Lâm Duc est une photographie de la nécessité. Nécessité de récupérer son histoire, son enfance, son identité, nécessité en raison de sa propre histoire, de témoigner pour que d’autres n’en subissent pas une comparable, nécessité de dire. – Christian Caujolle