En 1908, Albert Kahn, un riche banquier parisien, embarque à bord du transatlantique « Amerika », direction New York et commence un tour du monde de plusieurs mois. Il veut voir les pays, les peuples, il veut gorger son regard pour comprendre ce qui, en lui, s’affiche comme une évidence : le monde connu est au bord de l’implosion, d’un changement radical – d’une disparition prochaine.
Lorsqu’il revient de son voyage en 1909, il amorce un projet démesuré, unique : les « Archives de la Planète ». L’idée, somme toute, est simple : confier à des photographes et à des cinéastes le soin de prendre des images, beaucoup d’images, des milliers d’images, pour créer des archives volontaires, pour sauver ce qui peut l’être encore, avant extinction définitive. Le but d’Albert Kahn est « de fixer, une fois pour toutes, des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ». Lorsque ces opérateurs reviennent de leurs missions, ils sont priés d’inventorier leurs prises de vue, de les développer, de les trier, puis de les ranger afin de constituer un des fonds d’archives d’images les plus complets du monde. L’aventure va durer un peu plus de vingt ans, de 1908 à 1931 et le projet restera inachevé en raison de la ruine financière d’Albert Kahn.
Ces images nous sont parvenues et nous pouvons aujourd’hui les regarder. Elles nous parlent, car Albert Kahn a cherché à ce qu’elles nous parviennent. Mais l’histoire des Archives de la Planète et de leurs devenirs est une aventure au long cours, un chemin périlleux où les images se perdent et se brisent. Pour voir ces images au présent, encore faut-il saisir leur effervescence, comprendre le temps qui les traverse. En s’intéressant à l’histoire des Archives de la Planète et à celle, dissimulée, parfois obscure, d’Albert Kahn, L’Effervescence des images est une traversée dans ce projet hors normes qui, plus que jamais, interpelle notre présent et notre avenir ; préface de Patrick Boucheron.