Hakanai Sonzai prolonge l’expérience photographique menée en immersion en 2016 à Cuba (publiée dans Desmemoria). Pierre-Elie de Pibrac se rend au Japon en 2020, un pays qui a connu le tsunami de Fukushima et où les habitants se livrent peu sur leurs émotions, leurs inquiétudes psychiques et intimes. Il sillonne alors le pays et part à la rencontre de personnes dont le destin a été bouleversé suite au séisme. Le Japon a développé depuis des siècles le concept de Mono no Aware, une sensibilité pour l’éphémère, une perception aiguë de l’impermanence des choses. Le titre de l’ouvrage Hakanai Sonzai y fait référence par cette traduction : « je me sens moi-même une créature éphémère ». Ainsi, au fil des pages d’un livre, qui se déploie tel un album de grand format, le lecteur pénètre lentement dans l’intimité de femmes, d’hommes et d’enfants, qui lentement deviennent des « personnages ». Le photographe réalise des portraits à la chambre, en lumière naturelle, telles des images mentales racontées par les sujets eux-mêmes et imaginées par l’artiste.
Ponctuées de portfolios de paysages urbains en N&B imprimés sur un différent papier, les images de Pierre-Elie de Pibrac nous immergent dans la culture japonaise. Elles parlent de l’obsolescence et donnent à voir la fragile beauté de notre condition humaine, accomagnées de plusieurs tankas de la poétesse japonaise Kujira Sakisaka. Un essai de Michel Poivert explore ce corpus en faisant le lien entre l’obsolescence du médium photographique et celle de nos sociétés modernes, le Japon se situant au cœur des dérives de l’anthropocène.