« Marécageux, accidenté, sinueux, monumental.
Le delta du Danube est le deuxième plus grand delta du fleuve européen : un labyrinthe naturel de roseaux et d’eau qui s’étend sur plus de 3500 kilomètres carrés. Elle se situe entre la Roumanie et l’Ukraine, à la frontière géographique de l’Europe, sur les rives de la mer Noire. La région du delta est peu peuplée et ses quelques hameaux ne sont accessibles que par bateau. Il manque d’infrastructures de base et ses rues sont plongées dans les profondeurs de l’obscurité dès que le soleil se couche.
Vivre dans le delta, c’est vivre dans l’oubli, au milieu des marais. Comme les Minotaures, les habitants du delta se retrouvent plongés dans leur propre labyrinthe, supportant le vide qu’il leur impose. Le rythme circulaire des saisons définit leur rythme de vie; il affecte leurs humeurs, conditionne leurs désirs et leurs habitudes et met en place des barrières physiques et mentales.
Pendant quatre ans, je me suis immergée dans le delta, m’efforçant de comprendre et de documenter ces liens profonds. Dans les différentes saisons, j’ai vu le paysage et ses changements graduels presque obsessionnels, afin d’enregistrer leur essor physique et psychologique.
Tout au long de ce long processus de recherche, le territoire a assumé le rôle psychologique d’un véritable labyrinthe.
Dans un langage qui oscille entre observation anthropologique et transfiguration symbolique, j’ai dessiné ma carte du territoire, et mon interprétation transcende la réalité physique et géographique des marais, défiant le sens profond de l’acte d’habiter. Habiter un territoire, habiter un labyrinthe. Habiter soi-même. »
“Marshy, rugged, winding, monumental.
The Danube Delta is the second greatest European river delta: a natural labyrinth of reeds and water that extends over more than 3500 square kilometres. It lies between Romania and Ukraine, on the geographical boundary of Europe, on the shores of the Black Sea. The delta region is sparsely populated and its few hamlets can only be reached by boat. It lacks basic infrastructure and its streets are plunged into the depths of darkness as soon as the sun sets.
Living on the delta means living in oblivion, amidst marshlands. Like Minotaurs, the inhabitants of the delta find themselves immersed in their own labyrinth, putting up with the emptiness it imposes on them. The circular rhythm of the seasons defines their rhythm of life; it affects their moods, conditions their desires and habits and sets up physical and mental barriers.
For four years I’ve submerged myself in the delta, striving to understand and document these profound connections. In the different seasons, I’ve beheld the landscape and its gradual changes almost obsessively, in order to record their physical and psychological upshots.
Throughout this long research process, the territory has assumed the psychological role of a true labyrinth.
In a language that hovers between anthropological observation and symbolic transfiguration, I’ve drawn my map of the territory, and my interpretation transcends the physical and geographical reality of the marshes, challenging the profound meaning of the act of inhabiting. Inhabiting a territory, inhabiting a labyrinth. Inhabiting oneself.”