The New Cubans est un voyage visuel dans un Cuba moins connu, celui de la jeune génération. Loin des représentations clichées des cigares cubains, des voitures anciennes, des complexes hôteliers tout compris et des échos de la guerre froide, ce livre célèbre une réalité nouvelle et vibrante définie par la non-conformité, la diversité des genres, l’expression créative et la crise actuelle de l’exode migratoire massif. Plus de 10% de la population a quitté l’île au cours de la réalisation de ce projet. Les images qui composent ce livre sont donc trop souvent des souvenirs d’amitiés et d’amours perdus et, plus largement, d’une génération dont le tissu social est décimé par les adieux.
The New Cubans présente un Cuba que peu d’étrangers ont vu ou savent même qu’il existe.
« Au cours de ce projet photographique, j’ai passé beaucoup de temps à Cuba et rencontré des individus fascinants menant des vies singulières. Ils ont eu la gentillesse de me laisser entrer dans leur monde et de rencontrer leurs cercles d’amis, devenant souvent plus que des sujets, en collaborant avec moi dans le processus de création d’images ». J-F Bouchard.
De la post-désillusion à l’évasion, Jorge Peré, extrait:
« Le travail de Bouchard reflète l’ambition insatiable d’un anthropologue social. Il passe d’une série à l’autre en menant une étude anthropologique extraordinaire, toujours motivée par l’insolite, l’insaisissable et le marginal : par les modes de vie en marge, les circonstances bizarres, les contextes de préjugés et les tabous culturels. La société cubaine lui apparaît ainsi comme exceptionnelle, propice à un essai visuel qui démonte plusieurs stéréotypes manichéens qui circulent à son sujet.
Les jeunes photographiés par Bouchard, même s’ils ne sont pas actuellement confrontés à une discrimination ouverte et implacable, sont néanmoins jugés par une large majorité comme des « bizarres », des « exotiques » ou des « excentriques ». La tolérance progressive envers la différence dans ce pays est imprégnée d’une certaine hypocrisie, perceptible dans les euphémismes et les silences inconfortables auxquels recourent nos parents et grands-parents.
Il est pertinent de souligner que la société cubaine est vieillissante et que, par conséquent, les idéaux rétrogrades conservent une validité incontestable. Cependant, on ne peut ignorer les progrès que nous avons réalisés en matière d’ouverture d’esprit et d’acceptation de la diversité.
Ces dernières années, l’impact des nouveaux programmes politiques sur notre sensibilité collective fait de nous un modèle de progrès socio-culturel en Amérique latine et dans le reste des pays du « tiers-monde ».
Ces vies parallèles et alternatives sont devenues plus explicites, révélant un nouvel éventail de codes sociaux et culturels à partir desquels comprendre la réalité. En ce sens, nous sommes effectivement confrontés à quelque chose de nouveau.
Dans les compositions de Bouchard, on perçoit cette réécriture des codes, la coexistence du passé accumulé et du présent éphémère sur un seul plan visuel. Ses scènes sont là, où il joue avec les personnages contrastés et l’ambiance des décors : des jeunes habillés de façon particulière, exhibant leurs tatouages, posant sans complexe dans l’intimité de l’espace domestique ou dans des lieux publics.
Aussi dystopiques que certaines puissent paraître, les images se veulent honnêtes avec les lieux qu’elles reproduisent. La seule manipulation – si on peut l’appeler ainsi – a lieu dans la construction de l’événement photographique et de son cadre choisi pour nommer les métaphores qui existent par elles-mêmes.
Parmi ces jeunes devenus modèles pour Bouchard, on peut identifier plusieurs visages familiers. Certains sont des personnages de la scène underground de La Havane : rappeurs, graffeurs, artistes en général, DJ. D’autres sont des individus dont le style charismatique les rend profondément attirants et mystérieux.
Le photographe a eu le temps de socialiser et de se déplacer parmi eux, accédant en partie à leur vie, à leur histoire personnelle et aux attentes qu’ils projettent en tant que génération. Je n’ai pas utilisé ce mot jusqu’à présent, mais il est évident que Bouchard dévoile le caractère d’une génération.
L’artiste évoque une réalité alternative à travers laquelle il s’efforce d’ouvrir les portes vers d’autres modes de vie, tout aussi spontanés et authentiques que ceux que nous validons communément. Ce faisant, il relie sa sensibilité au travail photographique de certains artistes locaux qui se sont consacrés à témoigner de ce processus de reformulation identitaire qui a émergé au sein de diverses communautés sociales. »
Les maisons cubaines regorgent de bibelots qui créent des décors “maximalistes” figés dans le temps. Fasciné par ces ornements, le photographe a découvert qu’ils se transmettent de génération en génération, non seulement pour des raisons sentimentales, mais aussi à cause de la rareté des biens de consommation modernes.
À Cuba, peu de choses sont donc jetées.
Lors de ses visites, une famille lui a demandé de photographier leurs objets préférés, ce qui l’a conduit à installer un studio improvisé chez eux. Cette approche s’est répétée dans de nombreuses maisons, enrichissant le projet et offrant un accès privilégié à l’intimité des foyers cubains ; textes de Jorge Peré, Matthew Leifheit, Devon Ruiz, texte en anglais avec un encart en français, photos en couleurs.