« Quand le sujet d’une photographie meurt, celle-ci devient une image post-physique, parce qu’elle ne représente plus un corps physique présent sur Terre. Désormais, la photographie ne correspond plus qu’aux souvenirs du défunt dans l’esprit de ceux qui l’ont connu. Le disparu est mort physiquement mais demeure symboliquement en vie dans les souvenirs, maintenant porté par une photo. L’image elle-même est une extension de la mémoire.«
Marwan T. Assaf
Dans son essai, Marwan T. Assaf emprunte la symbolique d’une tradition africaine qui classifie les personnes disparues selon deux étapes successives, le Sasa, temps durant lequel la personne disparue est encore présente dans la mémoire des personnes qui l’ont entourée, et le Zamani, dans lequel la personne décédée a disparu de la mémoire des vivants.
L’auteur y développe une analyse du rôle du portrait et de la mémoire face à la question de la disparition, et invite à mieux appréhender les différentes approches du portrait dans les pratiques photographiques.
Assaf fait ainsi dialoguer les portraits du grand poète anglais Alfred Tennyson, capturés par Julia Margaret Cameron, et les portraits de Cookie Mueller, amie proche de la photographe Nan Goldin. Les premiers sont très composés selon la tradition du portrait classique, et issus de temps de poses longs, propres aux débuts de la photographie, contrairement à ceux de Goldin, capturés sur le vif et en couleurs un siècle après ceux de Cameron à l’aide d’un appareil moyen format plus souple.
Les sujets de Cameron et de Goldin ont physiquement disparu, mais sont à différentes étapes de la mort dans le théâtre silencieux de la photographie, qui devient le lieu de la mise en scène du Sasa et du Zamani.