Publié à l’occasion de l’exposition au Musée Suisse de l’appareil photographique de Vevey du 30 septembre2015 au 10 janvier 2016.
C’est au cours de l’été 2014, à l’issue d’une réunion avec Martin Becka au sujet de l’exposition Dubaiqui devait prendre place au Musée suisse de l’appareil photographique quelques mois plus tard que l’idée de cette série a émergé. Le projet initial de quelques prises de vues faites à Vevey et dans sa région avec des intentions didactiques a rapidement évolué vers l’envie d’une série plus conséquente. Dans Territoire, Martin Becka allie toujours l’utilisation d’un procédé des débuts de la photographie, le négatif sur papier ciré, avec l’usage de chambres de voyage de formats divers. Les épreuves positives sont tirées par contact aux sels de palladium.
Ce territoire ne peut être superposé ni à une carte de la ville, ni à celle d’une entité administrative, pas d’avantage aux délimitations d’un paysage particulier de la région. Il ne correspond à aucune frontière ou contour du territoire formellement établi. Il est constitué d’une multitude de fragments, de petits territoires, balisés par des photographies dont les points de vue ont été repérés au gré de mes déplacements sur une partie du canton de Vaud et surtout suite aux repérages effectués en compagnie de Jean-Marc Yersin qui m’a généreusement indiqué de très nombreux lieux singuliers. L’interprétation du territoire proposée ici cherche en premier lieu à échapper à la représentation normée et attendue du paysage et des monuments. Si quelques lieux et monuments emblématiques y figurent malgré tout, ils y côtoient des lieux ordinaires, des endroits plus invisibles, monuments industriels ou fonctionnels, ignorés du regard de la plupart de gens. C’est en organisant sur le dépoli de ma chambre photographique l’emplacement des droites, des courbes, des transparences et en attendant patiemment que la lumière inscrive le moment venu un rectangle, un rond, ou pose une ombre, que j’ai cherché grâce à sa complicité à capter l’atmosphère singulière de chacun des lieuxphotographiés. Le choix du dispositif technique à l’aide duquel j’ai travaillé n’a pas été fait au hasard. Les détails inscrits dans les interstices de la trame du papier servant à la fabrication du négatif font écho aux interstices du paysage. La transfiguration voulue des images invite les spectateurs à glisser de lieux réels, dont certains sont familiers, vers des univers plus mystérieux et secrets dessinés par la lumière et transmutés par la matière du négatif papier ciré. Les légendes de ces photographies sont uniquement leurs coordonnées GPS, c’est une invitation à des promenades et flâneries, (éventuellement photographiques), pour (re)découvrir et apprécier ces territoires qui en forment au final un seul dans toute sa diversité poétique. -Martin Becka
