Transanatolia est une pérégrination aux confins de l’Anatolie. Pendant 5 ans, Mathias Depardon photographie la nouvelle Turquie, jusqu’aux confins de l’Azerbaïdjan et du Xinjiang où la Turquie reste la « mère patrie » qui rayonne et diffuse son soft power. Le morcellement de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale demeure un traumatisme et repousser les frontières permet de prendre une revanche contre une blessure historique.
Ces lieux reculés aident à comprendre les grandes mutations qui agitent la région. À travers des portraits, des paysages, Mathias Depardon sonde un pays tiraillé entre modernisation à tout crin et réminiscence ottomanes.
La « Nouvelle Turquie » du président turc Recep Tayyip Erdo?an au pouvoir depuis 2003, c’est l’affirmation d’une puissance et d’une ambition. Grace à sa situation géographique stratégique et son histoire impériale, la Turquie veut jouer un rôle central dans la marche du monde. Erdo?an se voit en calife d’un vaste espace turco-islamique dont les contours, « les frontières du cœur », évoquent un passé mythifié.
Le morcellement de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale demeure un traumatisme et le leader turc impose un État autoritaire, paternaliste et policier pour reconquérir les territoires perdus. La méthode est souvent brutale. La transformation de la société qu’il impose est radicale.
Dans ce livre Mathias Depardon tente d’imager les frontières du cœur évoqué par le Président turc. Pour sonder « l’âme turque » et percevoir toute la complexité de sa construction identitaire, il faut se projeter à ses frontières et même au-delà. En Azerbaïdjan ou en Crimée, la Turquie reste la « mère patrie ».
Elle rayonne, diffuse son « soft power » des Balkans à l’Asie, de la mer Noire à la mer Rouge. Elle exporte ses machines à laver et ses séries télévisées, très populaires, dans des dizaines de pays. Son influence s’étend dans tous les anciens territoires ottomans et, au-delà, jusqu’aux confins de la Chine, en Asie centrale, lointaine terre d’origine du peuple turc.
Né en 1980 à Nice, Mathias Depardon grandi entre la France, la Belgique et les États-Unis. Après des études en journalisme et communication (ISFSC) à Bruxelles, il rejoint brièvement le quotidien belge Le Soir avant de se consacrer au reportage et la photographie documentaire. En 2017 après avoir vécu cinq ans en Turquie, il est arrêté à Hasankeyf dans le Sud-Est de la Turquie, alors qu’il effectue un reportage pour le magazine National Geographic sur la problématique de l’eau en Mésopotamie. Il est libéré puis expulsé du pays en juin 2017. Ses photographies ont été exposées dans plusieurs institutions telles que l’Institut Cervantes, l’Institut Français, la BNF et plus récemment le Musée des Archives nationale à Paris pour son exposition «TransAnatolia».