Publié à l’occasion de l’exposition au Manoir des Livres à Lucinges (France) du 26 juin au 27 novembre 2021
On a longtemps ignoré que parallèlement à son écriture romanesque, Michel Butor pratiquait la photographie entre 1951 et 1962. Cette activité influence durablement son regard de poète, et elle installe pour toujours un viseur dans sa tête. De véritables amitiés se nouent autour des images, et les rencontres avec les photographes jouent un rôle essentiel dans sa création poétique : en regardant « le regarder des autres », le poète découvre de nouvelles « lucarnes » à travers lesquelles mieux approcher le monde. Les photographes proposent à l’écrivain leurs images par curiosité : l’écriture joue le rôle du révélateur en chambre noire qui fait apparaître un texte « balbutié dans la tête de l’artiste ». Chacun travaille pour soi mais toujours côte à côte, en utilisant deux alphabets dans la même langue. Le compagnonnage est réussi : le lecteur ne distingue plus qui du photographe ou du poète illustre l’autre. L’exposition rassemble plus de 200 œuvres nées de collaborations entre Michel Butor et ses photographes, célèbres tout autant qu’amateurs. Imprimées ou manuscrites, des plus petits aux plus grands formats, réalisées à quatre, six mains ou plus encore, elles accueillent texte et images mais aussi monotypes, gravures, peintures, encre, cire, collages, ponçage, photomontages ou surimpressions. Dans ce merveilleux catalogue de l’in-cataloguable, le visiteur est invité à déambuler parmi des productions d’une variété et d’une densité exceptionnelles. – A propos de l’exposition — Adèle Godefroy, mai 2021