«Je me trouvais sur un chemin qui va et vient entre la pesanteur et la légèreté dans l’existence réelle et certaine choses plus fondamentales. Ce chemin ressemble aux récits si variés et imbriqués les uns dans les autres de la littérature orientale et je l’ai parcouru avec l’amertume de savoir qu’il me serait impossible d’atteindre la légèreté. J’y ai photographié des femmes, des hommes, des personnes du troisième sexe, des enfants, des femmes enceintes, des paysans, des maisons, des voitures, des arbres et des animaux.»
«Ce faisant, j’ai essayé d’appréhender le monde masculin et ses limites à travers mon identité féminine. Je montre ainsi la fragilité du monde viril en photographiant une main de femme touchant un homme, mais aussi en photographiant un homme qui exhibe ses muscles. De la même manière, je montre la légèreté d’un tournesol en photographiant «Méduse» dans sa captivité éternelle, l’œil de la tradition en photographiant l’œil d’un paysan derrière des branches, ou encore l’œil de la ville à travers un jeune se définissant comme membre d’un gang. Lors de mon second séjour d’une semaine à Tottori en 2011, j’ai souhaité me confronter aux traces de l’espace entre la vie et la mort, en parcourant un hôpital pour malades en fin de vie, les crèches et les cimetières. Je présente ainsi la fleur tombale comme une illusion caractéristique de notre époque industrielle.»
«En conclusion, dans les allusions que je fais à la naissance et la mort, au monde viril, à l’amour, à la fin inconnue de la vie, je souhaite dire que je ne cours pas après des rêves. Calvino l’exprime ainsi: “lorsque je me sens prisonnier des espaces de vie humains, je pense, tel Persée, qu’il faut absolument que je m’envole vers un autre lieu; je ne parle pas d’une fuite onirique extérieure à la raison, je veux plutôt dire: changer d’approche, regarder le monde depuis une autre perspective, avec une manière différente d’appréhender la connaissance et l’affirmation”.» -Silva Bingaz
Silva Bingaz est une photographe turc, elle a été l’élève d’Antoine d’Agata et Anders Petersen, elle vit et travaille à Istanbul.