Un livre en 2 parties qui se répondent et accompagnent, l’un avec des images, l’autre avec des mots, une immersion de l’auteure photographe dans les arcanes de la mémoire, à la recherche d’indices, de traces et de réminiscences de mondes perdus.
Christine Delory-Momberger reprend sous cette forme un travail de fouille menée tout au long de ses travaux photographiques et l’ouvre à un dialogue hybride et fécond entre images et textes. Une fouille qui jamais ne cesse pour la photographe. Toujours le chemin va, et toujours il la ramène à cette terre des commencements. Terre secrète, voilée des brumes de l’oubli et plombée du silence des exils de sa famille. Lieu hors du temps, lieu de l’écart où affleurent des images, saisies dans la fugacité de leur passage. Des visages apparaissent, des corps se donnent, des mémoires se dessinent. Et toujours la photographe revient à cette terre houlée de réminiscences qui l’habitent.
Les textes ne sont pas là pour commenter les images, ils suivent un chemin parallèle où les mots cherchent, guettent et affleurent l’inouï, l’inattendu, frayant ainsi un commencement d’histoire possible.
La partie photographies, composé de 28 images, donnent à voir à travers la progression de ses images, la force, la fragilité et la fugacité de ces réminiscences qui se glissent, émergent, disparaissent, tour à tour présentes dans une puissance d’évocation, vacillantes dans leur passage incertain ou enfouies dans les zones obscures de la mémoire. Les photographies réalisées en argentique sont scannées et retravaillées ensuite en numérique avec l’ajout de filtres de couleurs pour continuer ce travail de fouille du temps qui passe et qui ensevelit toute mémoire incertaine. C’est ainsi que l’on voit une même photographie réapparaître, plusieurs fois retravaillée et se présentant comme ayant subi des dégradations au niveau de la couleur et de la pigmentation ou, au contraire, ravivée, comme innervée par la force d’une réminiscence soudaine. Certaines autres images sont uniques, comme fixées par un souvenir plus vif.
La partie textes, composé de 14 textes poétiques. L’auteure part sur les traces de ses chemins d’exils où sont évoqués tour à tour des personnages de sa famille, vivants ou disparus. Les titres des différents textes configurent un ensemble significatif et tracent peu à peu les contours d’un territoire biographique traversé par l’exil familial intergénérationnel et par le propre exil de l’auteure : «dehors», «la faille», «ma mère», «ELLE», «la maison de son enfance», «la route», «ils sont dix», «les petits morts», «emilia», «berta», «mon père», «les rails», « joseph », « vers l’infini ». L’exil, une entaille dans la chair de l’intime, scellant l’alliance avec un monde en déroute, est un mode souvent forcé d’existence mais il devient par la création une force vive de connaissance et de transformation de soi, faisant de l’art un levier de résistance.