La série « Moscou 1994 » marque les débuts en photographie de Franck Pourcel. Influencé par la Street Photography américaine, il révèle dans les rues moscovites une écriture déjà fortement personnelle et une empathie pour les sujets qu’il photographie, qu’ils soient humains ou paysagers. Ses images témoignent d’un pan de l’histoire contemporaine de la Russie, juste après la perestroïka, et renvoient l’image d’une société et d’une ville en pleins bouleversements. Près de 30 ans après ce voyage fondateur, entre documentaire et poésie du quotidien, les photographies de Franck Pourcel montrent avec subtilité la globalisation du monde déjà en marche. Leur confrontation avec la récente et tragique actualité mesure les espoirs déçus de tout un peuple qui croyait alors en un monde meilleur.
« Moscou 1994. La capitale russe n’est plus soviétique depuis trois ans. Elle est désormais la capitale d’un nouvel État, la Fédération de Russie, qui n’a jamais existé dans ces nouvelles frontières, héritées de l’éclatement de l’URSS, en décembre 1991. Pourtant, elle reste profondément soviétique par ses paysages urbains, le mode vesti- mentaire de ses habitants, les éléments de fonctionnement citadin qui nous sont présentés, tels ces « samedis communistes » où les résidents d’un immeuble nettoient collectivement leur cour mais aussi ces gamins qui se balancent sur un tourniquet improbable que tout autre pays européen aurait depuis longtemps fermé pour risque majeur à la personne. […]
Il se dégage de ces photographies une sorte de poésie du quotidien, celle du combat pour la survie des déclassés, celle d’un passé qui se disloque, celle de la fatigue des corps et des visages, marqués par les épreuves ou l’alcoolisme. Comme en contrepoint, Franck Pourcel saisit d’autres aspects de cette période perturbée : les images d’une jeunesse que rien ne peut empêcher de vivre, ou la volonté farouche de maintenir coûte que coûte ses habitudes, tel ces joueurs d’échec dans les bains russes. Le Moscou qu’il présente précède de peu les énormes transformations de la période qui s’ébauche, avant que l’explosion des annonces publicitaires ne modifie les façades des immeubles ou que l’envahissement des voitures allemandes et asiatiques ne remplace les Jigoulis ou les Volga rares et déglinguées. » -Jean Radvanyi (extrait du texte)