Libraires à ciel ouvert, descendants des colporteurs ambulants de l’Ancien Régime, personnages indissociables des rives de la Seine, les bouquinistes de Paris s’étalent sur trois kilomètres. Mis à mal par les ventes sur internet, la pandémie et les menaces de déplacement, ils survivent envers et contre tout. Sur le quai de la Tournelle, au début du boulevard Saint-Germain, existe un petit groupe d’irréductibles. Bouquinistes ils sont, bouquinistes ils resteront, refusant de céder au chant des sirènes de tours Eiffel miniatures et colorées.
Il y a quelques années, Irène Jonas a décidé de réaliser une étude sociologique et photographique sur ces « derniers des Mohicans » ; plutôt que d’arpenter les quais, elle a choisi de se poser régulièrement, avant et après le covid, sur un banc du quai de la Tournelle. Passer du temps sur un même lieu, pouvoir observer leurs pratiques, se faire accepter, rencontrer leurs acheteurs et pouvoir les accompagner dans leurs recherches d’ouvrages, telle a été la démarche de la photographe.
Au croisement de la sociologie et de la fiction documentaire, Irène Jonas brosse le portrait de ces acteurs incontournables de la vie culturelle et patrimoniale parisienne.
Ce travail a été entamé dans le cadre d’une Masterclass à l’agence VU’, et s’est achevé avec l’aventure du Bal des Rejetons.
Bouquinistes de Paris est le fruit de ce travail au long cours : extraits d’entretiens et textes documentaires ou historiques alternent avec des photographies noir et blanc empreintes de mystère et de la nostalgie d’un Paris intemporel.
Extrait
” S’il devait définir son métier en un seul mot, ce serait celui de passeur. Ce sont les rencontres qui l’ont tenu toutes ces années sur les quais, plus que toute autre chose… Ces rencontres imprévisibles avec une personne inconnue et les discussions à bâtons rompus qui s’ensuivent. Peu importe qu’elle achète ou non. Aujourd’hui, son plus grand bonheur est de vendre un bon bouquin à un jeune qui a la vingtaine. Malgré les sirènes de police et le vrombissement des moteurs dans son dos, il sourit… Faire un métier comme le sien n’a pas de prix, même s’il a un coût quand la maladie survient…”