Au cours d’un long processus de création qui a débuté en 2010 et s’est poursuivi jusqu’en 2021, Joanna Szproch a mis en forme bien plus qu’un extrait décisif de sa biographie : elle s’est attachée à condenser les couches temporelles, mettre en scène les croyances et façonner une œuvre d’art qui transcende les catégories conventionnelles.
Le livre qui a émergé de ce processus complexe peut ainsi être considéré comme un autoportrait étendu, aux couches se démultipliant. Il reflète à la fois un moi profond et un moi qui émerge dans le contexte de relations sociales et culturelles.
Parmi les différents mediums de l’autoportrait, la photographie occupe une place particulière. Dans notre monde marqué par l’usage intensif des selfies sur les réseaux sociaux, la simultanéité trompeuse des rôles devient aujourd’hui évidente.
Il est possible d’être à la fois muse, modèle et créateur. Cependant, il reste impossible de porter un regard objectif sur sa propre personne, tant nous portons nous-mêmes nos masques. C’est précisément dans ces mondes intermédiaires du « regard féminin » et du « regard masculin », ces frontières entre le soi et l’extérieur, que Joanna Szproch explore sa fantaisie quotidienne.
Plus qu’une pure et simple évasion : comment un fantasme devient une forme.
« Chacun d’entre nous a le droit, la possibilité, de s’inventer dans son quotidien. Si une personne ne s’invente pas, elle sera de toute façon inventée. Il est donc sage d’avoir l’audace de s’inventer soi-même. » Maya Angelou
Six ans après l’explosion du mouvement #metoo, des militants des droits de l’homme pourtant influents continuent de suggérer que le viol n’est pas un crime contre les femmes elles-mêmes, mais un simple problème de respect de la propriété.
Au milieu de l’inhumanité de ces débats, Joanna Szproch combat quotidiennement, par ses fantasmes, un système archaïque et dysfonctionnel. Il s’agit de livrer bataille contre une ignorance particulièrement tenace, et lutter encore et encore pour obtenir les nécessaires changements. Le produit des ventes des divers produits dérivés d’Alltagsfantasie sera reversé à LARA – Rape Crisis and Counselling Centre à Berlin.
AlltagsFantasie est une performance illustrée dans laquelle l’artiste utilise le médium photographique. Il s’agit d’une œuvre impressionnante qui nous invite à reconsidérer nos idées sur l’identité, les rôles de genre et l’auto-dramatisation. Elle aiguise le regard que nous portons sur nos quêtes d’autonomie individuelle et collective, et ouvre la voie à un examen critique des structures et des normes de pouvoir existantes ; texte d’Agata Ciastoń.