En restituant une part de la mémoire collective qui s’écrit dans l’espace urbain à travers l’affichage, Kasia Wandycz nous permet de réenchanter tout un monde en proie à l’oubli ou à la destruction. Dans ces bouts d’affiches usagées, déchirées, elle débusque de la poésie, et, par le biais de la photographie, ces fragments acquièrent une existence et un sens nouveaux. Pour elle, le papier est à la fois matière et sujet. Déambulant dans les rues des grandes métropoles, elle en dessine sa propre cartographie, transformant la substance imprimée en document et symbole de l’usure du temps.
Cette série, entamée en 2015, est aussi une réflexion sur la signification du rôle du papier dans nos sociétés. Quels seront les effets profonds de la disparition progressive du papier imprimé au profit des écrans numériques ?
Dans l’espace urbain, les affiches disparaissent, remplacées peu à peu par les écrans. Que dit de notre rapport au monde cette évanescence progressive de la matérialité du papier ? Face aux images mouvantes sans substance, en quoi le papier imprimé permet-il de s’approprier un récit ou un message, et pourquoi est-il si indispensable à la création d’une mémoire collective ? Au croisement du street art, de la peinture et de l’illustration, le travail de Kasia Wandycz restitue la force poétique des papiers déchirés ou usés par le temps. Par le truchement de cadrages sans retouches ni recomposition, il fait émerger de nouveaux mondes, entraînant alors ces fragments d’affiches, traces du réel, dans le champ de l’imaginaire. Ce n’est pas un hasard si l’on pense au regretté Jacques Villeglé ou aux graffitis de Brassaï… ; préface de Olivier Deloignon, photos en couleurs.
