Ce livre d’artiste qui mêle photographies, textes et témoignages explore la thématique de l’oppression sociétale des femmes par la mise en abîme de milliers de cas de ce qui a longtemps été appelé « hystérie collective ».
« Il est évident que nous avons un lien très fort avec le mot hystérie et la manière dont il a été utilisé au cours de l’histoire pour contrôler
les femmes et pour minimiser leurs souffrances ». -Laia Abril
Ce phénomène, déclenché par de graves traumatismes, frappe des communautés étroitement soudées, confrontées à des situations de stress majeur. Ces groupes développent alors des symptômes soudains et dépourvus de cause physiologique, qui peuvent durer des mois : évanouissements, tremblements, fous-rires inextinguibles, transes… Comme à son habitude, l’artiste a travaillé en amont avec des anthropologues, sociologues, psychiatres pour tenter de comprendre l’origine de ces crises. À travers de nombreuses archives, Laia Abril montre leur formidable étendue géographique et temporelle. Des sorcières de Salem au Xve siècle aux religieuses possédées convulsant, en passant par des écolières d’un internat mexicain qui perdent subitement leur capacité à marcher ou des ouvrières cambodgiennes qui s’évanouissent simultanément, Laia Abril étudie les circonstances qui mènent à cet état. Ces maladies psychogènes de masse, telles qu’elles sont aujourd’hui appelées, apparaissent comme une réponse commune à une souffrance collective qui, pour diverses raisons, ne peut être verbalisée, incarnant des traumatismes transgénérationnels, souvent ignorés ou minimisés par la société. Certains scientifiques les interprètent comme un protolangage que les femmes utilisent pour résister depuis la nuit des temps, sans en être conscientes.
Laia Abril interroge la conception occidentale, en particulier l’hypermédicalisation qui fait fi de la souffrance des femmes, et tend à négliger les explications fondées sur les croyances spirituelles et les forces de l’esprit. L’artiste cherche à déplacer l’analyse, d’un récit qui rend responsables les victimes, vers l’examen du rôle de l’oppression politique et sociale des femmes dans la manifestation d’une maladie collective.