Une île tunisienne méconnue magnifiée par la poésie d’une technique photographique rare, le tirage Fresson.
Lorsqu’elle était enfant, Shiraz Bazin-Moussi passait ses vacances d’été en famille sur les îles Kerkennah, un archipel tunisien rural et préservé, qui vit naître Farhat Hached, leader indépendantiste assassiné en 1952.
Il y a quelques années, elle découvre que Google a oublié de «?maper?» une des îles de l’archipel et que celle-ci a disparu ! Depuis, l’oubli est réparé mais la photographe est retournée sur les traces de son enfance, à la recherche des images que sa mémoire a estompées, tout comme l’ont été les images officielles du récit national tunisien au temps de la colonisation, puis de la dictature.
« Lorsque, des années plus tard, j’ai pris la décision d’entamer ce travail, j’avais en tête des images, des rencontres, des lieux… J’ai fait le voyage avec ce qu’il restait de mon regard et de mes sensations d’enfant – de loin mes souvenirs de vacances les plus intenses et les plus joyeux. L’aventure commençait par le trajet en voiture où s’entassaient enfants, adultes et bagages mal ficelés. Il y avait aussi ces serviettes humides coincées dans les portières pour estomper le soleil brûlant, les discussions sans fin pour savoir qui occuperait les places près des fenêtres… Je ne sais par quel miracle nous tenions à neuf dans une voiture prévue pour cinq. Nous étions bruyants, insouciants, libres et heureux. Bien sûr, quand adulte j’ai retrouvé Kerkennah, il ne restait plus grand-chose de ces souvenirs d’enfance, mais la petite fille en moi était encore là, toujours avec le même besoin de liberté. »
En recourant au procédé du tirage Fresson, Shiraz Bazin-Moussi parvient à donner à ses photographies des couleurs subtilement oniriques, en résonance parfaite avec sa démarche qui concilie la quête de l’insouciance enfantine avec celle de la mémoire d’un pays qui a été privé d’images. Avec cette série, elle interroge aussi les liens entre cartographie et pouvoir ; texte de Thierry Fabre, photos en couleurs.