En 1932 disparaissait tragiquement le journaliste, poète et écrivain Albert Londres. Reporter de terrain, l’homme a parcouru le monde pour enquêter, alerter, dénoncer. À sa mort, il a laissé derrière lui l’héritage d’un journalisme offensif, un prix portant son nom et une quantité de documents historiques encore précieux aujourd’hui. Connu pour ses écrits, celui qui est considéré comme l’un des plus grands noms de l’histoire de la presse est aussi l’auteur d’un grand nombre de photographies illustrant ses enquêtes.
Au début des années 1920, à travers les quelque 800 photographies qu’il a réalisées et celles des photographes qui l’ont accompagné dans ses missions, Albert Londres a accompagné la montée en puissance de l’image dans l’information et l’émergence du photojournalisme. Dans ses reportages, toujours en prise avec les grands événements du monde, des peuples s’affranchissent de leur colonisateur, les injustices des sociétés sont mises au jour, les scandales dénoncés. Au fil des images, on croise avant l’heure le credo wahhabiste des talibans, le pragmatisme du commerce chinois, le tourisme sexuel, l’antisémitisme, la haine dans les Balkans…
Londres a eu cette phrase, devenue une devise de la profession : « Le journaliste n’est pas là pour faire plaisir, mais pour plonger la plume dans la plaie… » Dans l’un de ses articles rédigés pour dénoncer le massacre causé dans la population noire par la construction de la voie ferrée Congo-Océan – qui fit 17000 victimes –, Londres lança cet avertissement : « Et si monsieur le ministre des Colonies ne me croit pas, je tiens les photos à sa disposition… » Il est étonnant de constater la force que revêt la preuve par l’image pour celui qu’on connaît avant tout pour le caractère incisif de ses reportages écrits. Par l’écrit, il dénonce. Par l’image, il prouve.
En ces temps de suspicion massive à l’encontre de l’information, ce beau livre est donc à la fois une plongée dans l’histoire du début du XXe siècle, un voyage aux origines du journalisme contemporain, et une réflexion sur le rôle de l’image questionnée sous l’angle de la vérité journalistique, presque un siècle après la mort d’Albert Londres. Paraissant à l’occasion des 90 ans du prestigieux Prix Albert-Londres, qui récompense chaque année les meilleurs reportages parus dans la presse et l’audiovisuel, il est accompagné d’un texte d’Hervé Brusini, journaliste, par ailleurs président du Prix Albert-Londres (dont il fut lui-même lauréat), et coédité avec l’association du prix Albert-Londres ; texte de Hervé Brusini, postface de Frédéric Lecloux, photos en n.b.
A field reporter, Albert Londres traveled the world, investigating, warning, and denouncing. Considered one of the giants in the history of the press, he is also the author of nearly 800 photographs illustrating his investigations, some published here for the first time. This book is at once an immersion in the history of the early twentieth century, a journey to the origins of contemporary journalism, and a reflection on the role played by the image. It is accompanied by a text by journalist Hervé Brusini, former winner, and now president of the Prix Albert Londres.