Né en 1960 en Italie, près de Gênes, Enrico Dagnino est photojournaliste depuis 1989. Il a couvert les grands événements mondiaux tels que la chute du mur de Berlin, l’explosion de l’ex-Yougoslavie, le conflit israélopalestinien, les conséquences internationales du 11 Septembre 2001… En 2008, il réalise pour Paris-Match une série de reportages sur les violences post-électorales au Kenya. Après avoir été diffusé par l’agence Cosmos, puis Black Star, il est désormais représenté par le 2e Bureau. Enrico Dagnino est bsé à Paris ; introduction de Agnès de Gouvion Saint-Cyr, photos en couleurs.
Born in 1960 in Italy, near Genoa, Enrico Dagnino has been a photojournalist since 1989. He has covered great world events such as the fall of the Berlin Wall, the explosion of ex-Yugoslavia, the Israeli-Palestinian Confliet, the international consequences of September 11th, 2001… In 2008, he conceived a series of stories for Paris Match on the post-electoral violence in Kenya. After having been distributed by the Cosmos Agency, then Black Star, he is now represented by 2e Bureau. Enrico Dagnino is based in Paris ; introduction by Agnès de Gouvion Saint-Cyr.
Pendant trente ans, le Kenya, exemple de démocratie dans une Afrique ravagée par les conflits, fût pour Enrico Dagnino, comme pour beaucoup d’autres, un havre de paix. Une base arrière idéale pour se remettre d’éprouvants reportages en Somalie voisine. Jusqu’à cette fin décembre 2007 où les résultats contestés d’une élection présidentielle font à leur tour basculer les vertes collines chères à Hemingway dans un conflit fratricide. Avant les campagnes, ce sont d’abord les bidonvilles, les plus grands d’Afrique de l’Est, ceinturant la capitale Naïrobi et les grandes villes, qui s’embrasent. Là, derrière ces murs vérolés, dans ces ruelles boueuses où s’agglutinent des millions de personnes survivant avec moins d’un dollar par jour, pas la moindre trace des 6% de croissance affichés. Les affrontements opposent les partisans de Raïla Odinga, malheureux candidat de l’ethnie Luo à cette présidentielle, à ceux du président «iréélui», Mwai Kibaki, accusé d’avoir «ivoléi» un scrutin controversé, et surtout des terres au profit des membres de sa tribu, celle des Kikuyus. Cette révolution qui se dit «iorangei» n’avance pas en brandissant des fleurs comme en Ukraine, mais fraye sa route à coups de machette et de casse-tête. En traversant la vallée du Rift, nous verrons, fumerolles s’échappant de la terre, des milliers de fermes incendiées finissant de se consumer, témoignant de l’ampleur du drame. Les yeux des hommes qu’on croise sont rougis par trop de nuits sans sommeil à monter la garde, par le «ibangii» (marijuana) ou le «iChanga’ai», cet alcool artisanal frelaté qui rend aveugle, mais qui, face à une armée de policiers antiémeutes, vous galvanise un militant. Ballots sur la tête, dans un sens comme dans l’autre, des familles entières fuient les quartiers et les villages où leurs communautés ne comptent pas assez de bras pour résister. Ils atterrissent dans des camps de déplacés où l’aide alimentaire ne peut leur donner qu’envie de prolonger leur séjour. Amos Angolo, qui portait au doigt de pied le numéro 4953, dans un tiroir d’une morgue municipale, a certainement fini par être enterré. Selon son cousin, la police lui avait tiré une balle dans le dos au cours des émeutes. Un semblant de calme est revenu au Kenya. Les politiciens qui ont joué des vieilles rancoeurs ethniques pour gagner le pouvoir ont fini par trouver le moyen de se partager ce gros gâteau. Les touristes reviennent dans la savane se délecter du spectacle des lions traquant les gazelles. Leurs Tours Operator connaissent les chemins contournant cette mer de taudis auxquels ces heurts n’auront rien apporté qu’un peu plus de misère. -Caroline Mangez