2ème édition revue & augmentée tirée à 1 500 exemplaires.
À l’écart des carnavals pailletés, aseptisés, sponsorisés par des entreprises ailleurs dans les Amériques, les troupes de Madigra de la ville portuaire haïtienne de Jacmel incarnent et subvertissent le mythe, les légendes et les histoires propres à la nation, leurs costumes d’improvisation et leurs récits surréalistes, un mélange chargé de Vodou de mémoire populaire, de satire politique et de révélation personnelle.
Ici, les Zèl Maturin, diables vêtus de satin et masqués de papier mâché, ailes de bois articulées battant sur leur dos, se battent contre Sen Michèl Arkanj et son armée de pasteurs; plus loin sur la Chaloska dans leurs masques ornés de dents de vache, transforment les redoutés début du XXe. . .Charles Oscar Étienne, chef de la police du siècle, dans une métaphore de la nature corruptrice du pouvoir absolu.
A la croisée des chemins, le Lanse Kòd aux cornes, à la peau plus noire que noire avec un mélange de sirop de canne et de charbon de bois, effectue des pressings avant de se déchaîner dans la foule. Pendant ce temps, un âne vêtu d’un pantalon, mené par la troupe d’Atibruno, vêtu de feuilles, parle dans un téléphone portable et mange du plantain frit, pour montrer au monde que les paysans sont aussi bons que n’importe qui, que tous les ânes sont importants.
Ici aussi, des personnages solitaires et singuliers : Geralda, la mère célibataire d’un enfant affamé, la sirène déguisée Madanm Lasirèn, et Bounda pa Bounda, qui joue une vision Vodou révélée par un esprit perché dans les arbres.
Leah Gordon photographie le carnaval de Jacmel et enregistre des histoires orales avec ses participants depuis 1995. Ses photographies dans « Kanaval » sont dépouillées de cinégénie et d’exubérance. Elle utilise un appareil Rolleicord de soixante ans de moyen format double-objectif-reflex, et fixé sur un film négatif noir et blanc. L’appareil est mécanique, et une fois le film chargé, l’obturateur doit être physiquement armé et l’exposition réglée manuellement. Elle demande toujours la permission et paie les participants pour avoir la chance de les photographier. Une réciprocité consensuelle entre photographe et gardienne des traditions surgit qui laisse derrière elle l’agitation de la rue et pénètre le territoire plus tranquille d’un atelier de portrait. Le temps et l’espace créés permettent à certains récits historiques du Madigra de s’infiltrer à travers l’objectif ; photos en n.b.
Leagues away from the sequinned, sanitised, corporate-sponsored carnivals found elsewhere in the Americas, the Madigra troupes of the Haitian port town of Jacmel enact and subvert myth, legends and the nation’s own histories, their improvisational costumes and surreal narratives a Vodou-charged blend of folk memory, political satire and personal revelation.
Here the Zèl Maturin, satin-clad devils in papier-mâché masks, hinged wooden wings clapping on their backs, do battle against Sen Michèl Arkanj and his army of pastors; further on the Chaloska in their cows’-tooth-adorned masks transform the feared early twentieth-century police chief Charles Oscar Étienne into a metaphor for the corrupting nature of absolute power.
At the crossroads the horned Lanse Kòd, their skin shining blacker than black with a mixture of cane syrup and charcoal, perform press-ups before running amok through the crowds. Meanwhile a trouser-clad donkey, led by the leaf-skirted Atibruno troupe, speaks into a mobile phone and eats fried plantain, to show the world that the peasants are as good as anyone, that all donkeys are important.
Here too are lone, idiosyncratic characters: Geralda, the single mother of a starving child, the mermaid-in-disguise Madanm Lasirèn, and Bounda pa Bounda, who plays out a Vodou vision revealed by a treetop-dwelling spirit.
Leah Gordon has been photographing Jacmel Carnival and recording oral histories with its participants since 1995. Her photographs in ‘Kanaval’ are stripped of kinesis and exuberance. She uses a sixty-year-old Rolleicord medium-format twin-lens-reflex camera, and shoots onto black and white negative film. The camera is mechanical, and once the film is loaded the shutter has to be physically cocked and the exposure set manually. She always asks permission and pays the participants for the chance to photograph them. A consensual reciprocity between the photographer and the sitter arises which leaves behind the commotion of the street and enters the more tranquil territory of a portrait studio. The time and space created allows for some of the historical narratives of the Madigra to seep through.