Là où, dans la photographie de presse, on recherche l’emphase et le drame, le regard de Gianni Berengo Gardin navigue à contre- courant : sans excès, plein d’attention, de sensibilité et de respect des sujets. Inspiré par l’école humaniste, le photographe se pose en témoin qui préserve l’authenticité de ce qui advient devant son appareil. Ce qui compte à ses yeux, ce sont la vie, les gens, les événements
Gianni Berengo Gardin (né en 1930), considéré comme l’un des plus grands photographes italiens, est, à plus de 94 ans, le témoin infatigable de la seconde moitié du XXe siècle en Europe. Mais il a surtout sillonné son pays et recueilli quantité d’histoires des petits et grands changements qui l’ont traversé. Peu marqué par la vision néoréaliste qui dominait en Italie au temps de ses premiers pas, il choisit très tôt de témoigner, exclusivement en noir et blanc, sans parti-pris politique, de la réalité des ouvriers, des déracinés du Sud (I teroni) mais aussi des marginaux, des Roms et des internés psychiatriques. Malgré son appartenance déclarée à l’école humaniste, nourrie des images d’Henri Cartier-Bresson, il n’a jamais cherché l’image singulière, capable de synthétiser l’événement, mais il a cultivé le besoin d’approfondir, d’entrer dans les détails. Les livres ont toujours été son terrain de prédilection, d’abord imposé avec une certaine difficulté à ceux qui lui passaient commande, ensuite de façon naturelle, presque inévitable. Il en a fait plus de 250. Pour lui, ce qui compte n’est pas tant “comment” on photographie que ce que l’on photographie. C’est une déclaration d’une grande humilité, prononcée comme une vérité indiscutable, et c’est la clé pour comprendre la qualité, simple et complexe, humaine et professionnelle de ce maître italien.