Lisette Model, photographe intriguée par le genre humain, porte son regard sur les habitants des villes. Elève de Schoenberg, elle quitte le Vienne de son enfance, abandonne la musique, pour rejoindre le Paris des avant-gardes et se consacrer à la photographie. Médium moderne par excellence, Lisette Model pratique la photographie en contre-plongée et plans rapprochés, accentuant ainsi les traits de ses modèles. Elle assemble à sa guise une étrange galerie de portraits où se cotoient les nantis de la promenade des Anglais et les animaux du zoo.
La montée du nazisme l’oblige à l’exil. C’est à New York qu’elle passera la deuxième moitié de sa vie. Aux bourgeois de la côte d’Azur se susbtituent désormais les “gueules” du Lower East Side. Dans ce quartier populaire du Sud de Manhattan, formé de communautés en provenance d’Europe, Lisette Model retrouvait certainement un peu de pittoresque, de la chaleur et des couleurs qu’elle avait laissés sur le vieux continent.
Le Harper’s Bazaar comptait Lisette Model au nombre de ses collaborateurs réguliers, proposant ainsi à ses lectrices un contrepoint aux habituelles photographies de mode.
Mieux que personne, Model photographia ce New York indigent, ouvrant ainsi la voie à une génération de photographes qui ne manqueront pas de revendiquer la filiation ; en témoigne l’oeuvre de Diane Arbus qui fut son élève. De la ville, Lisette Model fit son champ d’exploration ; à côté de ses portraits, elle se livra à des recherches plus expérimentées. La série “Jambes de passants” nous renvoie à l’anonyme agitation urbaine, tandis que la série “Reflets” – image du reflet de la ville projetée sur les vitrines des boutiques – interroge ce désir frénétique de consommer. Au long de trente années d’activité photographique, Lisette Model nous laisse une oeuvre unique sous la forme d’une vaste épopée urbaine.
Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition présentée dans le cadre du Mois de la Photo à Paris 2002 ; photos en n.b.